L'hydrogène à l'horizon
Si la route est encore longue – et difficile - vers l’utilisation de l’hydrogène pour les véhicules, des solutions viables se profilent plus que jamais à l’horizon. A la suite des fabricants, l’industrie a elle aussi fait de grands pas dans la séparation, le stockage, le transport de l’hydrogène, afin de le rendre utilisable. Outre le spécialiste américain des moteurs diesel Cummins, des entreprises telles que les sociétés belges Bekaert et Colruyt s’engagent également dans ce trajet.
Le ravitaillement en hydrogène est similaire au ravitaillement en GNC
Commençons par la bonne nouvelle: l’hydrogène est l’élément le plus répandu dans la nature et il est pratiquement inépuisable. De ce fait, l’hydrogène (H2) présente un énorme avantage par rapport aux combustibles fossiles tels que l’essence, le diesel ou le gaz naturel. Mieux encore, l’hydrogène pourrait constituer une alternative aux véhicules électriques à batterie (BEV).
Inverser les inconvénients
Cependant, un inconvénient majeur complique la percée de l’hydrogène. L’hydrogène a en effet tendance à toujours se lier à un autre élément dans la nature. Dans l’eau (H2O), cela se produit par exemple avec l’oxygène. En d’autres termes, l’hydrogène étant de nature “volatile” a tendance à se lier en permanence avec d’autres éléments, ce qui représente un inconvénient pour son transport et son stockage. De plus, il faut que l’hydrogène puisse être séparé des éléments auxquels il se lie. Pour cela, il faut de l’électricité. Mais ce problème peut aussi être réglé: l’électricité nécessaire peut être obtenue à partir de l’énergie éolienne ou de panneaux solaires, la surproduction de ces énergies renouvelables permettant de produire de l’électricité à des moments où le réseau en a moins besoin. En d’autres termes, lorsque la consommation d’électricité sur le réseau est faible et que les parcs éoliens et les panneaux solaires fournissent une surproduction, celle-ci peut être entièrement utilisée pour obtenir de l’hydrogène.
Des Toyota Mirai à pile à combustible pour les taxis parisiens
En outre, cette méthode permet de produire de l’hydrogène là où il y a beaucoup de soleil ou de vent. En ce qui concerne le soleil, on pense aux pays du sud de l’Europe comme la Grèce, mais aussi aux pays africains tels que le Maroc et l’Algérie, entre autres. L’hydrogène peut ensuite être transporté par des navires citernes ou des pipelines spécialement adaptés. Voilà qui représente un gros défi pour des ports comme Zeebrugge qui peuvent accueillir de l’hydrogène.
Trois types d'hydrogène
L’hydrogène est à répartir en trois catégories, en fonction de la manière dont il est séparé et extrait. L’hydrogène dit “vert” est fabriqué à partir d’énergie provenant de sources renouvelables, telles que l’énergie solaire et l’énergie éolienne. L’électrolyse soumet l’eau (H₂O) à l’électricité, ce qui provoque la séparation des molécules et la création d’oxygène (O₂) et d’hydrogène gazeux (H₂). L’hydrogène vert est la forme d’hydrogène la plus durable. Mais il existe également de l’hydrogène gris et de l’hydrogène bleu. Dans l’industrie, la majeure partie de l’hydrogène est actuellement extraite du gaz naturel ou du charbon. En soi, l’hydrogène est un vecteur d’énergie propre, mais comme du CO2 est rejeté dans l’atmosphère lors de sa production, on parle dans ce cas d’hydrogène gris. Le gaz naturel ou le charbon constituent également la matière première de l’hydrogène bleu. Mais le CO₂ libéré lors de la production est capturé puis stocké, par exemple dans des gisements de gaz vides en mer. L’hydrogène bleu est donc neutre en termes de CO₂. Ainsi, aucun CO₂ supplémentaire ne pénètre dans l’atmosphère. Le CO2 peut également être utilisé pour fabriquer du carburant synthétique, appelé e-fuel.
L'elektrolyseur
L’entreprise américaine Cummins, surtout connue pour ses moteurs diesel, possède depuis 2019 une division à Oevel, en Campine, avec l’acquisition d’Hydrogenics. On y expérimente ce que l’on appelle les PEM (Polymer Electrolyte Membranes) ou les installations d’électrolyse. Il s’agit de piles (stacks) composées de plusieurs plaques de métal entre lesquelles se trouvent des membranes. Les composants viennent du Canada, mais ils sont assemblés et testés à Oevel pour produire de l’hydrogène en utilisant l’eau comme matière première. La séparation de l’hydrogène gazeux et de l’oxygène se fait grâce à l’électricité, idéalement produite par des panneaux solaires et des turbines éoliennes. De cette manière, on obtient de l’hydrogène vert sans créer de CO2. L’objectif poursuivi par Cummins, c’est la production en série de ces PEM, afin qu’ils puissent être déployés dans le monde entier. Cummins ne se considère donc pas comme un simple spécialiste du diesel, mais plus largement comme un fournisseur d’énergie. Fait remarquable, la société belge Bekaert s’est également engagée à produire de l’hydrogène vert. L’entreprise de Flandre occidentale le fait avec ses fibres métalliques ultrafines, qui sont utilisées pour l’électrolyse, l’hydrogène étant séparé de son élément liant (l’O2 par exemple).
Un Ford Transit électrique à pile hydrogène
Comme carburant
En raison de sa nature volatile, le stockage de l’hydrogène est un véritable défi. L’une des solutions consiste à le stocker sous sa forme liquéfiée, mais uniquement à une température de -253 degrés Celsius. De cette manière, l’hydrogène peut être utilisé comme carburant dans un moteur à combustion interne. Mercedes a tenté l’expérience, de même que BMW, pendant une plus longue période. Les problèmes de stockage du gaz liquide ont conduit à l’arrêt de ces expériences. L’hydrogène est si volatile qu’il s’échappe au moindre contact pour se lier avec l’oxygène, par exemple. Une deuxième méthode de stockage de l’hydrogène consiste à le rendre chimiquement stable et à l’utiliser comme composant des carburants synthétiques ou ‘e-fuels’. Il est ainsi possible d’utiliser la biomasse pour établir une liaison chimique avec l’hydrogène. Une alternative consiste à combiner le CO2 avec de l’hydrogène. C’est dans cette méthode que Porsche a choisi d’investir. Un carburant synthétique ou e-Fuel est utilisable dans un moteur à combustion interne.
Comme vecteur énergétique
L’hydrogène peut également être stocké sous forme de gaz sous pression (700 bars). De cette manière, il est aussi facile de faire un plein de gaz que de GNC ou de GPL par exemple. Dans la voiture, l’hydrogène gazeux est stocké dans des réservoirs cylindriques spéciaux. La voiture est également équipée d’une pile à combustible où l’hydrogène, par électrolyse et en combinaison avec l’oxygène, permet de produire de l’électricité, le seul sous-produit étant l’eau. Dans ce cas, l’hydrogène n’est pas utilisé comme carburant mais comme vecteur d’énergie. Au final, l’entraînement de la voiture est assuré par un moteur électrique. En résumé, une voiture équipée d’une pile à combustible est toujours alimentée par l’électricité et est cataloguée FCEV (Fuel Cell Electric Vehicle).
Une série de fourgons Peugeot. De gauche à droite: à pile à combustible, éléctrique et à moteur à combustion.
Le schéma d'un fourgon Peugeot à pile à combustible
Un véhicule FCEV doit toujours avoir à bord une batterie HV - comme une sorte de tampon - mais celle-ci peut être beaucoup plus petite que dans un BEV, c’est-à-dire un véhicule électrique à batterie. Comme dans le cas d’un BEV, une voiture à pile à combustible est aussi équipée d’une batterie de 12 volts. Cette batterie est nécessaire pour commander les relais, les feux, les essuie-glaces et d’autres équipements et accessoires classiques. Une voiture équipée d’une pile à combustible présente de nombreux avantages. Il n’est pas nécessaire de la recharger et le ravitaillement en hydrogène est aussi rapide que le ravitaillement en GNC, par exemple. Le conducteur n’a donc pas besoin d’investir dans un point de charge à son domicile et n’est pas non plus dépendant de l’infrastructure publique. C’est précisément la raison pour laquelle une voiture à pile à combustible est également plus facile à utiliser dans un cadre urbain ou dans des environnements densément bâtis. Une pile à combustible offre également une plus grande autonomie. Le poids de la voiture est moindre et la pile à combustible est assez compacte. La pile à combustible est donc parfaitement adaptée aux camions et autres matériels roulants lourds. Elle réduit également la dépendance du constructeur à l’égard des métaux rares, nécessaires à la production de batteries HT. Les constructeurs qui ont produit de telles voitures en série limitée et qui ne se sont pas contentés de véhicules expérimentaux sont Honda, Hyundai-Kia, Toyota et, jusqu’à il y a quelques années, Mercedes. BMW, Stellantis et Ford mènent également des recherches dans ce domaine,. L’utilisation de l’hydrogène présente également des avantages au niveau global. La surproduction d’électricité par les parcs éoliens et les panneaux solaires n’est ainsi pas perdue. En dépendant moins de l’infrastructure de recharge, le réseau électrique est aussi moins sollicité.
Colruyt
Colruyt a la réputation d’être un pionnier en matière de développement durable. Il en va de même pour l’utilisation de l’hydrogène. Les stations-service Dats24 sont les premières à attirer l’attention. Huit d’entre elles fournissent de l’hydrogène. Avec un peu de chance, vous rencontrerez également son grand camion électrique à pile à combustible sur votre route. Mais cela ne s’arrêtera pas à un seul camion. L’ambition de Colruyt est de disposer d’une flotte de véhicules neutres en carbone d’ici à 2030. Voilà pour ce qui est de la visibilité, mais l’engagement de Colruyt va bien plus loin. La famille Colruyt et le groupe Colruyt possèdent également la holding Virya Energy, qui construit une usine d’hydrogène à Zeebrugge. Il existe également des projets de ce type aux Pays-Bas et en Allemagne. En outre, Virya Energy a des intérêts dans plusieurs parcs éoliens en Belgique, en Pologne, en France et au Portugal. Colruyt peut ainsi boucler l’ensemble de la “chaîne verte”, de la production d’électricité “verte” à la fourniture d’hydrogène pour une utilisation dans une pile à combustible.
Le schéma d'un camion électrique à pile à combustible